Comment prouver qu’une décision de l'administration « sanctionne » les opinions d'un fonctionnaire ?
L’appréciation des discriminations fondées sur des opinions religieuses, politiques, syndicales… est difficile.
Certes, en France, la liberté d’opinion est en principe absolue. Cela ne signifie pas pour autant que les agents sont totalement libres d’exprimer leurs opinions (voir encadré : « liberté d’opinion : jusqu’à quelle limite ? »). Et cela n’empêche pas non plus toute mesure de réorganisation de la part de l’employeur ayant un impact sur votre situation professionnelle.
Tout est alors affaire de preuves pour démontrer que les motifs invoqués pour réorganiser votre travail ou mettre fin à un contrat cachent une mesure discriminatoire. A partir de quelques affaires, dans lesquelles les opinions syndicales, politiques ou religieuses sont vécues comme étant à l’origine de discriminations, vous comprendrez comment les faits sont analysés par la Halde, qui se livre à une enquête approfondie pour rechercher l’existence d’une telle discrimination ou au contraire l’exclure.
Opinions syndicales : une réorganisation de services jugée discriminatoire
Deux enseignants en couple s’estimaient victimes d’une discrimination dans le déroulement de leur carrière, tant au niveau de la répartition de leurs services que de leur notation. Selon eux, cette discrimination s’expliquait par leurs opinions politiques et leurs affiliations syndicales, ainsi que leur adhésion à l’UMP et au SNALC (syndicat national des lycées et collèges).
Concernant la répartition de leurs services, le constat est le suivant :ils étaient professeurs agrégés en économie et en gestion et enseignaient depuis 1973 au sein du même lycée. De 1983 à 1993, Monsieur a dirigé la section BTS action commerciale. En 1993, il a rejoint son épouse pour diriger la section BTS assistant secrétaire trilingue. A compter de 2001, date correspondant à la nomination d’un nouveau chef de travaux, adjoint direct du proviseur, qui aurait rassemblé autour de lui un groupe d’enseignants majoritairement proches d’un syndicat fondamentalement opposé à celui auquel le couple était affilié, leurs conditions de travail se seraient dégradées : perte de la responsabilité de la section BTS, diminution constante du nombre d’heures d’enseignement en BTS tandis que leurs heures d’enseignement en classes de terminale augmentaient….
La décision de la Halde
Saisie par le couple, la Halde a enquêté pour pouvoir apprécier la réalité des faits invoqués (examen des documents administratifs, auditions du chef d’établissement du lycée, du recteur de l’académie, de l’inspection générale de l’Éducation nationale). Dans sa décision du 2 octobre 2006 (délibération n° 2006-199), elle estime que la répartition des services du couple semble reposer sur un critère apparemment neutre (la réorganisation des services et la difficulté de réaffectation des réclamants), mais qu’elle entraîne un désavantage particulier à leur encontre. En outre, son enquête a révélé un faisceau d’indices permettant de présumer que cette décision n’est pas étrangère à leurs opinions politiques et syndicales. La Halde a alors invité le couple à saisir le tribunal administratif, et une fois saisi, à demander à ce que la Haute autorité produise ses observations.
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