Comment prouver qu’une décision de l'administration « sanctionne » les opinions d'un fonctionnaire ? - Page 2
Opinion politique : discriminatoire, le refus de renouvellement de CDD
Madame B a été recrutée en qualité d’agent non titulaire au service des « locations de salle» pour exercer les fonctions d’agent d’entretien. Ses missions consistaient, notamment, à entretenir les salles communales, à assurer les états des lieux la semaine et le week-end et à en rendre compte. Le maire a refusé de renouveler son contrat à durée déterminée.Pourtant, la note qui lui est attribuée (17,06) et l’appréciation générale « bon agent », portées sur son travail lors de son évaluation annuelle sont favorables : « agent sérieuse et disponible, sollicite des formations spécifiques à son poste».
Madame B estime que le refus de renouvellement opposé par le maire constitue une discrimination fondée sur ses opinions politiques. En effet, le maire et son adjoint avaient accusé réception, à trois reprises, de la désignation de celle-ci, par des candidats d’une autre tendance politique, comme assesseur dans un bureau de vote pour les élections présidentielle et législative.
La décision de la Halde
Dans sa délibération du 9 février 2009 (délibération n° 2009-40), la Halde conclut qu’il s’agit bien d’une discrimination prohibée par l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
En effet, d’après elle, le refus de renouvellement de contrat ne semblait pas justifié par la manière de servir au travail, d’autant que le contrat de Mme B avait fait l’objet de trois prorogations successives.
Lors de l’enquête menée par la haute autorité, le maire a précisé que Mme B avait été recrutée pour effectuer des remplacements et pour répondre à des besoins ponctuels, et « si son dernier contrat n’a pas été renouvelé, c’est simplement en raison de l’absence de besoins nouveaux à cette date ».
Dès lors, la Halde a recherché si ce motif était fondé. Elle a constaté que le maire ne rapportait pas la preuve d’un non renouvellement de contrat fondé sur des motifs tirés de l’intérêt du service. A l’inverse, un faisceau d’indices démontre que ce non renouvellement ne serait pas étranger aux opinions politiques de l’agent.
Elle invite en conséquence le maire à réexaminer le cas de Mme B dans un délai de trois mois, en lui proposant un nouveau contrat d’engagement, ou, à défaut, une indemnisation en réparation des préjudices que la réclamante aurait subis du fait du caractère discriminatoire présenté par la décision de non-renouvellement de son contrat.
Liberté d’opinion : jusqu’à quelle limite ?
Tout agent public est libre de ses opinions. Ce principe de liberté d’opinion est inscrit et garanti comme un droit dans le statut général (loi du 13 juillet 1983). Vous êtes parfaitement libre de manifester vos opinions hors de votre service tant que leur expression ne porte pas atteinte au devoir de réserve qui est le vôtre, et qui vous est imposé en contrepartie des obligations édictées dans le statut général.
Les décisions de justice montrent que la simple expression des opinions hors du service n’est pas en soi attentatoire au devoir de réserve qui s’impose à tout fonctionnaire. La prise en compte de ces opinions manifestées exclusivement en dehors du service, et quelle que soit leur nature, constitue une discrimination (Décisions du Conseil d’État, 28 avril 1938, Demoiselle Weiss ; 8 décembre 1948, Demoiselle Pasteau ; 3 mai 1950, Demoiselle Jamet).
C’est donc l’expression d’opinions par les agents publics dans le cadre des fonctions qu’ils exercent qui est strictement prohibée.
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