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FORUM - Fonction publique

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Inscription: 14/12/2013
Non résolu

Bonjour,

J'avais posé en décembre dernier un certain nombre de questions concernant l'éventualité d'un mariage posthume avec mon compagnon, fonctionnaire victime de harcèlement moral par sa hiérarchie, car je pensais que le statut d'épouse post mortem me conférerait le droit d'agir en justice.

J'ai appris depuis que seul mon compagnon pouvait poursuivre en son nom sa hiérarchie pour harcèlement moral.

En tant que compagne victime par ricochet du harcèlement moral, je peux demander à l'employeur réparation du préjudice que j'ai subi, le "pretium doloris", que je peux chiffrer.

Encore faudrait-il que l'employeur reconnaisse le harcèlement moral et cela n'est pas gagné d'avance.

J'ai vu plusieurs avocats, et aucun n'est d'accord avec ce que l'autre a dit.

Un avocat spécialisé dans la fonction publique m'a dit que j'allais échouer au pénal parce que ce n'est pas moi qui ai été victime directe du HM, mais qu'en revanche je pouvais invoquer le "pretium doloris" au civil et il m'a conseillé de prendre l'avis d'un avocat en droit du travail, ce que j'ai fait. Celui-ci m'a dit que dans mon cas, ce n'était pas le droit du travail qui s'appliquait, qu'il fallait que je consulte un avocat généraliste au tribunal. 

J'ai vu un autre avocat aujourd'hui qui me dit que de toute façon je n'ai aucune chance car il faut prouver le lien direct entre le harcèlement moral et la mort de mon compagnon. Autrement dit, je ne peux même pas invoquer la souffrance vécue au jour le jour et son désespoir qui me minait ? Je n'y crois pas un instant, il faudrait peut-être que je rencontre un avocat spécialisé dans le harcèlement moral et le droit public.

C'est vraiment le parcours du combattant et il faut avoir les reins solides, heureusement que je ne lâche pas prise

Une association défendant les victimes de harcèlement moral m'a dit qu'en droit du travail, il fallait être ayant droit pour intenter une action en justice...C'est complètement faux, je peux récupérer le dossier de mon compagnon par un ayant droit et j'ai le droit d'intenter une action en tant que victime par ricochet.

Si mon cas vous intéresse et si vous avez un conseil à me donner, car tout cela me semble bien compliqué, je vous remercie d'avance.

Aucu vote pour l'instant.
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Inscription: 14/12/2013

Note à l'attention du gestionnaire du site : mon compagnon est décédé aux urgences d'un hôpital en raison d'une série de fautes médicales, mais je ne peux pas établir de lien direct entre le harcèlement moral et le décès, même si je pense que le stress, le désespoir et les idées noires résultant de ce harcèlement n'ont pas arrangé ses problèmes de santé connus de l'employeur mais non pris en compte : la médecine préventive ne l'a pas défendu, au contraire, elle a donné raison à l'employeur, ce qui a accru l'angoisse et le désespoir de mon compagnon. Ce genre de comportement de la part d'un médecin censé défendre les fonctionnaires harcelés est révoltant, mais malheureusement assez courant, car le renouvellement du contrat du médecin dépend du même employeur.

Inscription: 09/03/2011

Bonjour Archer,

 

Vous avez eu de la chance d'avoir rencontré des avocats honnêtes qui n’ont pas voulu vous faire miroiter de grands espoirs dans le but de vous convaincre de leur confier votre dossier.

 

En effet, le succès d'une action en justice est loin d'être certain pour vous.

 

A mon avis, pour optimiser vos chances de succès, il faut qu'un des ayants-droit du défunt (héritiers ayant accepté la succession) engage une action au nom du défunt pour faire reconnaître le harcèlement moral et obtenir ainsi des dommages et intérêts.

 

Ce n’est qu’à la condition que cette première action ait pu aboutir que vous pourrez par la suite faire reconnaitre votre préjudice personnel en tant victime par ricochet et obtenir des dommages et intérêts correspondant à ce préjudice.

 

A mon avis, votre idée de faire récupérer le dossier de votre compagnon par un ayant droit et de l’utiliser à votre profit n’est pas faisable si celui-ci n’engage pas lui-même une action car le dossier ainsi récupéré ne pourra pas être utilisé par une personne qui n’a pas qualité pour agir au nom du défunt.

 

Sachez cependant que vous pouvez peut-être envisagez une action commune pour optimiser délais et coût.

 

Sachez également que les dommages et intérêts que vous pouvez raisonnement espérer, si vous gagnez le procès contre le harceleur public (ce qui est d’ailleurs loin d’être évident), seront relativement limités s’il n’y a aucun lien direct entre sa mort et les faits de harcèlement moral car, dans ce cas, votre préjudice moral sera limité à celui que vous auriez subi avant sa mort et est par ailleurs relativement difficile à chiffrer.

 

Pour terminer, je me pose la question suivante : ne vaut-il pas mieux de poursuivre les responsables des fautes médicales qui ont causé sa mort ?

 

Bien cordialement.

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Inscription: 14/12/2013

Bonjour Juriste Parisien,

Je vous remercie de votre réponse et de vos conseils.

Cependant, je me pose un certain nombre de questions : pourquoi pensez-vous que les ayants droit peuvent intenter au nom de mon compagnon une action en justice ? Ce n'est pas eux qui ont subi le harcèlement moral, qu'ils soient ayants droit ne change rien. L'avocat que j'ai consulté m'a clairement dit que seul mon compagnon pouvait de son vivant porter plainte contre sa hiérarchie. Ce que je peux faire, moi, en tant que victime par ricochet, puisque c'est moi qui partageais sa vie et tous ses soucis, c'est demander des dommages et intérêts, ce qui est mieux que rien du tout.

Je ne parle pas de lien direct entre le harcèlement moral et le décés de mon compagnon, mais de signaler un acharnement visant à nuire à l'évolution professionnelle de mon compagnon, à lui faire perdre pied et le faire sombrer dans la dépression.C'est son honneur que je veux venger, c'est allé trop loin, ils ont continué à le critiquer après sa mort, ce sont des gens méprisables et maléfiques.

Les ayants droit ne voudront jamais intenter un procès, c'est clair, il n'y a que moi qui cherche à obtenir réparation.

Dans le cas de mon compagnon, il y a d'une part, l'irresponsabilité et l'incompétence avérée des médecins qui ont commis tous des fautes graves, d'autre part l'employeur qui lui a fait du mal de son vivant et qui m'en a fait à moi aussi, pendant des années, ce sont mes deux cibles, différentes mais indissociables.

Si je suis votre raisonnement en ce qui concerne l'obtention du dossier médical de mon compagnon, c'est un ayant droit qui l'a demandé, certes, mais c'est moi qui ai porté plainte ensuite et non lui. Personne n'a objecté le fait que je n'étais pas ayant droit, sans doute parce qu'il s'agissait d'un cas de responsabilité délictuelle.

Puisque j'aborde ce sujet, est-ce que par hasard vous savez combien de temps le plaignant dispose pour contester le classement sans suite de sa plainte par le procureur ? Je dois tout prévoir et ne pas penser naïvement que tout ira pour le mieux, si l'on peut dire, car c'est sûr, j'aurais préféré que mon compagnon soit encore vivant et fêter avec lui la St Valentin...

Merci d'avance pour votre réponse.  

offline
Inscription: 23/01/2011

Bonsoir Archer,

 

 

Notre ami Juriste Parisien n'est plus en ligne. Je vous réponds volontiers à sa place sur un point que je connais assez bien :

 

 

Le droit à réparation des préjudices subis par la victime est transmis à ses héritiers qui sont donc recevables à l'exercer devant le juge répressif saisi des seuls intérêts civils, peu important que leur auteur n'ait pas introduit d'action à cette fin avant son décès, dès lors que le ministère public a mis en mouvement l'action publique et que la victime n'avait pas renoncé à l'action civile (Cour de cassation, Assemblée plénière,  9 mai 2008 - 05-87.379).

 

A contrario, le droit de la partie civile de mettre en mouvement l'action publique est une prérogative de la victime qui a personnellement souffert de l'infraction . Ainsi, l'action publique n'ayant été mise en mouvement ni par la victime ni par le ministère public, seule la voie civile est ouverte aux ayants droit (héritiers) pour exercer le droit à réparation (Cour de cassation, Assemblée plénière, 9 mai 2008, 06-85.751).

 

 

En d'autres termes, la plainte pénale des héritiers sera recevable si le Procureur de la République donne une suite favoravle à leur plainte. Dans le cas contraire, leur plainte sera considérée comme irrecevable.

 

 

Bien cordialement.
 

-------------------

L'administrateur de ce forum vous remercie de votre participation et vous dit à bientôt sur DROITISSIMO.COM, site de référence de l'information juridique grand public

Inscription: 26/05/2011

Bonsoir Archer,

 

Je profite de l'absence de mon homologue parisien pour vous répondre sur le deuxième point :

 

Lorsque le ministère public (procureur de la République) n’a pas donné suite à votre plainte dans un délai de trois mois à compter de votre dépôt de plainte ou s’il refuse d’engager une action publique à l’encontre de l’auteur de l’infraction pénale en la classant sans suite, la victime (en l’occurrence la victime par ricochet) peut exercer son action civile devant les juridictions répressives par voie d’action.

 

Le ministère public est alors obligé d’exercer l’action publique, c’est donc un moyen pour la victime de contourner le classement sans suite.

 

La victime qui souhaite agir par voie d’action peut 

 

- soit saisir une juridiction d’instruction (elle y est même obligée en cas de crime) par plainte avec constitution de partie civile adressée au doyen des juges d’instruction,

 

- soit saisir une juridiction de jugement par une citation directe de l’auteur de l’infraction devant la juridiction compétente.

 

Dans les deux cas de figure, en vertu de l’article 88 du Code de procédure pénale, le versement d’une consignation par la victime est obligatoire. Celle-ci, fixée par le tribunal au regard des revenus de la victime, est destinée à garantir le paiement d’une amende civile qui sera prononcée à l’encontre de la victime si le juge considère la constitution de partie civile ou la citation directe abusive ou dilatoire.

 

Bon courage et bonne chance !

 

Cordialement.

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Inscription: 29/03/2011

Bonsoir,

 

A toutes fins utiles, je me permets de reproduire ci-après le barème indicatif d’indemnisation de la cour d’appel de Lyon (millésime 2007)

 

Préjudice esthétique et souffrances endurées par la victime directe

Évaluation

Qualification

Indemnisation possible

1/7

Très léger

1.050 €

2/7

Léger

1.300 - 2.000 €

3/7

Modéré

2.600 - 4.200 €

4/7

Moyen

5.200 - 7.300 €

5/7

Assez important

10.000- 15.500 €

6/7

Important

19.000 - 25.000 €

7/7

Très important

30.000 €

 

Pour les préjudices qui se poursuivent dans le temps, notamment le préjudice d’agrément, le
préjudice esthétique, ou le préjudice sexuel, il peut être important de tenir compte de
l’espérance de vie de la victime.

 

Préjudice moral consécutif au décès d’un proche (victime par ricochet)

Personne décédée

Victime par ricochet

Indemnisation possible

Conjoint / concubin

20.000 - 30.000 €

Parent

Enfant mineur

25.000 - 35.000 €

Enfant au foyer

Parent

25.000 - 35.000 €

Parent

Enfant majeur

9.000 - 20.000 €

Enfant hors foyer

Parent

12.500- 20.000 €

Grands-parents / Petits-enfants

4.000 - 8.000 €

Frère / Soeur au foyer

6.000 - 12.000 €

Frère / Soeur

4.000 - 8.000

Gêne dans la vie courante / Déficit fonctionnel temporaire : 20 € par jour
Assistance d’une tierce personne : en direct 15 € l’heure, par une association 18 € l’heure

Inscription: 09/03/2011

Bonjour à tous !

 

MERCI d'avoir répondu à ma place.

 

Il me reste à répondre à Archer sur un dernier point non abordé par les autres intervenants.

 

Il s'agit de l'interdiction légale d'obtenir ou tenter d'obtenri des informations contenues au dossier médical d'un défunt (donc couvertes par le secret médical) par un tiers autre qu'un ayant droit.

 

Cette interdiction est édictée par l'article L1110-4 du code de la santé publique, dont voci le texte intégral :

 

Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe.

Les informations concernant une personne prise en charge par un professionnel de santé au sein d'une maison ou d'un centre de santé sont réputées confiées par la personne aux autres professionnels de santé de la structure qui la prennent en charge, sous réserve :

1° Du recueil de son consentement exprès, par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée. Ce consentement est valable tant qu'il n'a pas été retiré selon les mêmes formes ;

2° De l'adhésion des professionnels concernés au projet de santé mentionné aux articles L. 6323-1 et L. 6323-3.

La personne, dûment informée, peut refuser à tout moment que soient communiquées des informations la concernant à un ou plusieurs professionnels de santé.

Afin de garantir la confidentialité des informations médicales mentionnées aux alinéas précédents, leur conservation sur support informatique, comme leur transmission par voie électronique entre professionnels, sont soumises à des règles définies par décret en Conseil d'Etat pris après avis public et motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret détermine les cas où l'utilisation de la carte de professionnel de santé mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 161-33 du code de la sécurité sociale ou un dispositif équivalent agréé par l'organisme chargé d'émettre la carte de professionnel de santé est obligatoire. La carte de professionnel de santé et les dispositifs équivalents agréés sont utilisés par les professionnels de santé, les établissements de santé, les réseaux de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins.

 

Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

 

En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l'article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations.

 

Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.

 

Bonne journée à tous !

 

Bien cordialement.

 

 

offline
Inscription: 14/12/2013

Bonsoir et merci à tous ceux qui m'ont répondu, à savoir Juriste bordelais, Administrateur, Comptabilissimo et Juriste parisien.

Sauf le respect que je vous dois, je trouve que plus je pose de questions, plus j'ai l'impression d'avancer sur un terrain miné.

J'ai étudié le droit anglo-saxon à l'IDC de Paris, et je trouve que le droit français, tel qu'il est appliqué, a au moins 100 ans de retard, (et encore je suis gentille) car si mon cas s'était présenté aux Etats-Unis, j'aurais pu être plaignante et/ou témoin à charge.

Si je suis votre raisonnement, la police n'aurait pas dû enregistrer ma plainte contre X pour connaître les causes du décès de mon compagnon, puisque je me suis procuré son dossier médical par un ayant droit. Est-ce que vous êtes en train de me dire que seul un ayant droit peut intenter une action en justice ? Il est curieux que personne n'ait cru bon de me prévenir, pas même le procureur de la République ni le commissariat de police qui ont le procès-verbal de la plainte.

Soit c'est vous qui vous trompez, soit c'est eux !

Puisque le parquet a accepté de recevoir la plainte déposée par une "simple" concubine (puisque je ne suis rien du tout au regard du droit, bien qu'ayant partagé tout avec lui, sa vie, ses joies, ses peines, et prête à donner tout ce que j'ai pour qu'on lui rende son honneur), pourquoi en serait-il autrement dans le cas de la plainte pour harcèlement moral ? Quelqu'un pourrait-il m'expliquer ce subtil distinguo ? Je suis tout à fait habilitée à poursuivre en justice les responsables de sa mort, à savoir la fine équipe de médecins irresponsables et incompétents, mais pour ce qui est de dénoncer et faire sanctionner les agissements inhumains de l'employeur, là c'est plus difficile ? C'est complètement ubuesque et il serait grand temps d'harmoniser et moderniser ces lois archaïques.

Certains d'entre vous n'ont pas l'air d'accord avec ce qui m'a été dit , à savoir que le harcèlement moral concernait uniquement mon compagnon. Les ayants droit peuvent donc entreprendre une action en son nom ? N'est-ce pas aberrant dans la mesure où ce ne sont pas eux qui partageaient sa vie, mais moi, la victime par ricochet ?

En ce qui concerne la partie médicale, c'était moi la personne de confiance désignée par mon compagnon de son vivant et non les ayants droit.

Je sais que j'arriverai à faire condamner les coupables, car je suis déterminée à aller jusqu'au bout, cela prendra le temps qu'il faudra, mais je suis très patiente... Peut-être que le droit aura enfin évolué en faveur des concubins, d'ici là !

Dans le cas du harcèlement moral infligé à un fonctionnaire, quel est le droit qui s'applique ? droit du travail ? droit de la fonction publique ? Autant d'avocats consultés, autant d'avis différents, c'est vraiment déconcertant. 

Merci néanmoins pour vos conseils et vos efforts pour tenter de résoudre mon problème.

Bonne journée à tous !

Inscription: 23/01/2011

Bonsoir Archer,

 

Cela fait un bon moment que je ne fréquente plus ce forum et je viens de découvrir votre question qui me paraît très intéressante et mérite franchement une réponse claire, nette et précise.

 

A mon avis, le droit du travail ne s’applique qu’aux salariés du secteur privé et non aux agents de la fonction publique, qu’il s’agisse d’agents titulaires (fonctionnaires) ou d’agents contractuels (non fonctionnaires).

 

C’est donc le droit de la fonction publique et le droit pénal qui sont applicables au harcèlement moral dans la fonction publique.

 

Plus précisément, s’agissant du droit de la fonction publique, c’est l’article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 qui s’y applique et dont le texte est reproduit intégralement ci-dessous :

 

« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :

1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;

2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;

3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés.

Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. »

 

S’agissant du droit pénal, le texte applicable est l’article 222-33-2 du Code pénal, qui prévoit que :

 

«Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende».

 

Ainsi, une action en justice pour harcèlement moral doit être portée par la victime directe soit devant le juge administratif soit devant le juge répressif (juge judiciaire pénal). Le choix de la juridiction devant laquelle l’agent s’estimant harcelé moralement poursuivra son harceleur dépend cependant de la qualification de la faute de ce dernier.

 

S’il s’agit d’une faute personnelle, c’est-à-dire intentionnelle et détachable de ses fonctions, la victime peut soit poursuivre le harceleur devant une juridiction pénale, soit poursuivre l’administration devant le juge administratif, soit exercer parallèlement les deux poursuites en vertu de la théorie du cumul des responsabilités dès lors que la faute personnelle a été commise « en service ».

 

A contrario, s’il s’agit d une faute non détachable de leurs fonctions (faute de service) et non d’une faute personnelle, la victime peut alors uniquement engager la responsabilité de l’administration devant le juge administratif (Cour de Cassation, Chambre criminelle, 30 septembre 1998, 97-80.705)

 

Au cas d’espèce, s’agissant d’une victime par ricochet qui n’a pas la qualité d’agent de la fonction publique, l’action en dommages et intérêts qu’il vous est possible d’engager ne peut être portée que devant le juge judiciaire pénal par voie d’intervention (plainte simple), ou par voie d’action en saisissant soit une juridiction d’instruction par plainte avec constitution de partie civile adressée au doyen des juges d’instruction, soit une juridiction de jugement par citation directe.

 

Dans tous les cas, il vous faudra vous armer de beaucoup de courage et de patience (et d’argent aussi pour l’avocat(e) chargé(e) de vous défendre) pour parvenir à faire condamner l’harceleur sadique de votre défunt compagnon !

 

Bonne fin de journée.

 

Bien cordialement.

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Inscription: 14/12/2013

Bonsoir Robin des Droits,

Merci de m'avoir répondu de manière détaillée et si claire.

Permettez-moi néanmoins de vous poser les questions suivantes :

Avant d'entamer une action contre l'employeur harceleur, je souhaite récupérer ou au moins consulter son dossier médical et son dossier administratif détenus par l'employeur et n'étant pas ayant droit, je suis obligée de passer par un ayant droit pour en faire la demande. C'est ce que j'ai fait une première fois quand j'ai voulu récupérer son dossier aux urgences, et c'est ce qui m'a permis de porter plainte.

Ma question est la suivante : le fait de devoir passer par un ayant droit ne donne-t-il pas à celui-ci le droit d'engager une action avant moi contre le harceleur ? (cf Juriste parisien) Et dans le pire des cas, de m'interdire de poursuivre ce dernier ?

D'autre part, je suppose qu'il faut rassembler des preuves avant de se lancer dans un procès. Je ne peux obliger ses collègues à témoigner, en revanche mon compagnon a plusieurs fois signalé le harcèlement dont il était victime par lettres adressées au syndicat, au comité médical, aux médecins experts, à l'association chargée de le défendre. Est-ce que je peux m'adresser directement à son employeur en rappelant les faits et en nommant les harceleurs ? 

L'avocat consulté en dernier m'a conseillé de faire un recours indemnitaire préalable à la DRH en chiffrant l'indemnisation (j'ai besoin de me faire conseiller, je ne sais pas du tout combien je peux demander).

3 cas de figure se présentent : 

a) ils acceptent

b) ils refusent et à ce moment-là je saisis le Tribunal Administratif d'un recours indemnitaire

c) ils ne répondent pas, ce qui équivaut à un refus, donc saisine du T.A. 

Qu'en pensez-vous ?

En ce qui concerne la plainte déposée au commissariat pour connaître les causes du décès, je prie pour que le procureur transmette le dossier à un juge pénal, car il y a eu beaucoup de fautes graves. Si je confie mon affaire à un avocat, j'espère que mon statut de concubine ne va pas m'empêcher d'agir en justice.

Je me bats pour lui, parce que je l'aimais et que je ne supporte pas qu'on l'ait traité avec autant de méchanceté (employeur) et d'irresponsabilité et de cynisme (médecins). Je sais qu'ils ont peur; car ils savent que je suis prête à engager un combat sans merci. Si des sanctions tombent, j'espère que cela fera réfléchir dorénavant les harceleurs et les médecins irresponsables qui jouent avec la vie de nos êtres chers et qui se croient intouchables.

Merci mille fois pour votre intervention qui m'a permis d'y voir un peu plus clair et merci d'avance de bien vouloir répondre à mes interrogations.

Bonne journée.

Très cordialement. 

 

 

 

 

 

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Inscription: 24/03/2011

Bonjour,

 

A toutes fins utiles, voici une info peu encourageante que je viens de dénicher sur la Toile :

 

Le tribunal administratif de Toulon ne reconnaît pas le statut de victime par ricochet

 

Le 18 février 2011 dans l'affaire opposant la veuve de René Mocellin à  la Mairie d'Ollioules, le rapporteur public ne s'était pas opposé à la reconnaissance d'un statut de victime par ricochet  à cette dernière compte tenu des circonstances de ce dossier.

 

La décision attendue ce 25 mars 2011 vient de tomber.  Le tribunal administratif refuse le statut de victime par ricochet à la veuve Mocellin. Cette dernière fera certainement appel de cette décision.

 

Le contraire aurait permis de faire avancer la jurispruendence et aurait permis de reconnaître que les conséquences de la violence psychologique au travail  sont supportées par toute la famille.

 

Dans ce dossier Mme MOCELLIN s'est battue jusqu'au bout auprès de son mari. Les souffrances de ce dernier ont été aussi les siennes, mais le juge administratif ne l'a pas entendu ainsi.

 

Cette décision n'est pas surprenante au regard du droit positif.

 

Même si nous nous accordons tous à reconnaître que la violence psychologique est destructrice, qu'elle détruit aussi l'entourage, la vie de famille....il n'en demeure pas moins qu'il faudra encore du temps pour faire évoluer les mentalités et la jurisprudence.

 

Bon courage !

 

SOURCEhttp://www.le-cap-harcelement.com/article-le-tribunal-administratif-de-toulon-ne-reconnait-pas-le-statut-de-victime-par-ricochet-a-la-veuve-mocellin-70221005.html

offline
Inscription: 10/05/2011

Bonjour à toutes et à tous,

 

Voici une bonne nouvele pour Archer et tous les autres victimes par ricochet du harcélement moral dans la fonction publique :

 

Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 29/10/2013, 11MA01442, Inédit au recueil Lebon

 

M. GONZALES, président
M. Jean-Baptiste BROSSIER, rapporteur
Mme HOGEDEZ, rapporteur public
RAVAZ, avocat

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 avril 2011 sous le n° 11MA01442, présentée par MeA..., pour Mme C...D..., demeurant ... ;

Mme D...demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1000808 du 25 mars 2011 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Toulon :
- a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Ollioules à lui verser une indemnité de 520 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
- a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- a supprimé comme outrageants les passages des écritures de première instance commençant par les termes "Le maire en exercice" et finissant par les termes "décès prématuré de M. D...", commençant par les termes "Le maire a obtenu" et finissant par les termes "confiance de ce tribunal", commençant par les termes " Le maire et ses adjoints" et finissant par les termes "de son époux" ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi modifiée n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

Vu la loi modifiée n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi modifiée n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2013 :

- le rapport de M. Brossier, rapporteur,

- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,

- puis les observations de Me B...pour la commune intimée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que Mme D...a demandé le 4 décembre 2009 au maire d'Ollioules, d'une part, de lui verser une indemnité totale de 520 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis par ricochet, du fait de divers agissements de ladite commune à l'encontre de son époux, M.D..., quand celui-ci était agent public en activité dans les effectifs communaux, d'autre part, de reconnaître la maladie de son époux comme imputable au service ; que par décision du 28 janvier 2010 accusant réception de cette demande, le maire d'Ollioules, d'une part, a rejeté cette réclamation indemnitaire, d'autre part, a indiqué qu'il saisissait la commission de réforme ; qu'il ressort de la requête introductive de première instance que Mme D...entendait obtenir l'annulation de cette décision du 28 janvier 2010 en tant qu'elle statuait sur l'imputabilité au service de la maladie de son époux et en tant qu'elle rejetait par ailleurs sa demande indemnitaire ;

2. Considérant, d'une part, qu'il ressort de la lecture du jugement attaqué que le tribunal a omis de statuer sur les conclusions de Mme D...tendant à l'annulation de ladite décision du 28 janvier 2010 en tant qu'elle statuait sur l'imputabilité au service de la maladie de son époux ;

3. Considérant, d'autre part et s'agissant des conclusions de Mme D...à fin d'indemnisation, qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue en audience publique et après audition du rapporteur public : (...) 2° Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; (...) 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 (...)" ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, les dispositions du 7° de l'article précédent sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ;

4. Considérant que Mme D...soutenant être victime par ricochet des agissements de la commune d'Ollioules à l'encontre de son mari, M.D..., quand celui-ci était agent public de cette commune, le présent litige ne peut être regardé comme un litige relatif à la situation individuelle d'un fonctionnaire, dès lors que Mme D...n'a pas la qualité d'agent public de la commune d'Ollioules ; qu'au surplus, Mme D...soutient que les agissements communaux fautifs dont elle fait état ont conduit, du fait des troubles psychologiques qu'ils ont provoqués sur son mari, non seulement au placement de celui-ci en congé de longue durée, mais aussi à sa sortie du service le 4 août 2003 par mise à la retraite pour invalidité ; que les conclusions indemnitaires de Mme D...dépassaient le seuil susmentionné de 10 000 euros dès la première instance ; que dans ces conditions et en application des dispositions combinées précitées des articles R. 222-13-2°, R. 222-13-7° et R. 222-14, le tribunal administratif de Toulon ne pouvait pas statuer par juge unique sur les conclusions indemnitaires de Mme D... ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à demander à la Cour d'annuler pour irrégularité le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres irrégularités qu'elle invoque, et de statuer sur ses conclusions par la voie de l'évocation ;
Sur la recevabilité des écritures de la commune défenderesse :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : "Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...)"

7. Considérant que la commune a versé au dossier la délibération de son conseil municipal en date du 25 mars 2008 autorisant son maire, d'une façon générale pendant la durée de son mandat, en application de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, à la représenter en justice dans tout contentieux, "dans la limite de 100 000 euros par dossier contentieux" ; que le montant indemnitaire réclamé dans la requête introductive de première instance étant chiffré à un montant supérieur, la commune a aussi versé au dossier la délibération de son conseil municipal en date du 21 juin 2010 autorisant son maire à la représenter en justice dans le recours, expressément désigné, déposé par Mme D...devant le tribunal administratif de Toulon "tendant à l'annulation de la décision du 28 janvier 2010" ; que le maire a ainsi été habilité à représenter la commune devant le tribunal ; que s'agissant de l'habilitation du maire à représenter la commune devant la Cour, la délibération susmentionnée du 25 mars 2008 suffit à justifier d'une telle habilitation, dès lors que l'appelante n'a pas chiffré ses prétentions devant la Cour mais lui a demandé, après l'annulation du jugement attaqué pour irrégularité, de statuer par la voie de l'évocation sur ses conclusions de première instance ;

8. Considérant qu'il s'ensuit que Mme D...n'est pas fondée à demander à la Cour, qui statue par la voie de l'évocation, d'écarter pour irrecevabilité les écritures versées par la commune ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 janvier 2010 en tant qu'elle statue sur la demande d'imputabilité au service :

9. Considérant qu'il ressort de la lecture même de cette décision qu'elle n'oppose pas un refus de reconnaître comme imputable au service la maladie de M.D..., mais qu'elle accuse réception de cette demande de reconnaissance d'imputabilité et informe l'intéressée que la commission de réforme sera saisie à cet égard, pour formuler un avis ; que dans ces conditions et comme le soutient la commune, Mme D...n'est pas recevable à demander l'annulation d'un acte qui, selon cette dernière, présenterait un caractère décisoire en refusant sa demande d'imputabilité, alors qu'aucune décision de refus n'a été prise le 28 janvier 2010 ; que Mme D... n'a formulé par ailleurs aucune conclusion expresse tendant à l'annulation d'une autre décision qui aurait été éventuellement prise, de façon explicite ou implicite, après l'avis rendu le 26 mai 2010 par la commission de réforme du Var reconnaissant l'imputabilité au service de la maladie nerveuse de M.D... ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 janvier 2010 en tant qu'elle rejette la demande indemnitaire de MmeD... :
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme D...estime avoir subi par ricochet divers préjudices, compte-tenu des difficultés et souffrances rencontrées par son époux tombé malade, M.D..., ancien agent territorial de la commune d'Ollioules, placé en disponibilité pour convenance personnelle en 1989, réintégré dans les effectifs communaux en novembre 1997, placé en congé de maladie ordinaire à compter du 26 mars 1998, puis en congé de longue durée du 28 mai 1998 au 27 octobre 1999 pour dépression nerveuse, congé de longue durée finalement prolongé jusqu'au 28 mai 2003, date à laquelle M. D...a été mis à la retraite pour invalidité ; que Mme D...impute à la commune d'Ollioules la responsabilité de la maladie nerveuse de son époux, aux motifs que les conditions de réintégration de ce dernier dans les effectifs communaux en 1997 auraient été fautives, que des faits de harcèlement moral auraient été commis par l'administration communale à l'encontre de son époux, et que ces circonstances fautives seraient à l'origine directe et certaine de la maladie nerveuse de son mari, dont elle-même a été victime par ricochet ; qu'elle réclame à ce titre une indemnité totale de 520 000 euros qu'elle décompose, d'une part, en un montant de 110 000 euros "au titre des souffrances que la commune lui a fait subir à travers son époux suite à l'acharnement dont elle a fait preuve et qui ont considérablement aggravé son état psychique", d'autre part, en un montant de 410 000 euros "au titre du harcèlement que la commune lui a fait subir à travers son époux durant 18 années" ;

En ce qui concerne la période courant de juin 1990 à novembre 1997 :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que par arrêt n° 96LY00333 du 31 mai 1999 confirmé par le Conseil d'Etat par arrêt n° 210730 du 31 mai 2000, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 20 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Nice avait annulé la décision du maire d'Ollioules du 30 décembre 1991 maintenant M. D...en position de disponibilité pour convenance personnelle, en estimant que M. D...n'établissait pas l'existence d'un emploi vacant susceptible de l'accueillir ; que ces décisions de justice ne présentent aucune autorité de la chose jugée dans le présent litige, en l'absence d'identité des parties ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, sur la période courant de la date de la première demande de réintégration de M. D...formulée le 25 juin 1990 à la date de sa réintégration dans les effectifs communaux en novembre 1997, Mme D... n'établit pas que la commune d'Ollioulles aurait illégalement refusé de réintégrer son époux compte tenu de l'existence d'un poste vacant, correspondant à son grade d'agent de maîtrise, qu'il aurait pu occuper ; qu'en effet, un fonctionnaire placé en position de disponibilité pour convenances personnelles ne dispose d'aucun droit statutaire à être réintégré rapidement, en sureffectif ou dès la première vacance d'un poste correspondant à son grade, mais doit être réintégré dans un délai raisonnable ; qu'en se contentant de faire valoir une première vacance du poste d'agent de maîtrise, révélée par un arrêté municipal du 17 avril 1991, soit dix mois après la demande de réintégration, et en l'absence de toute autre vacance de poste démontrée ensuite, l'appelante n'établit pas que la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité sur la période en litige ; qu'elle n'établit pas non plus, et surtout, que cette faute, en tout état de cause et à la supposer même établie, serait en lien suffisamment direct et certain avec la maladie nerveuse de l'intéressé qui s'est déclarée au cours du premier trimestre de l'année 1998, après la réintégration de novembre 1997, plus de six années après l'arrêté du
17 avril 1991 ;

13. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme D... n'établit pas que son mari aurait, sur cette période courant de juin 1990 à novembre 1997, subi un quelconque harcèlement moral de la part de son employeur en l'absence, d'une part et ainsi qu'il a été dit, de faute établie de la commune dans l'absence de réintégration de M.D..., et compte-tenu du fait, d'autre part, qu'étant sur cette période placé en disponibilité pour convenance personnelle, M. D...ne travaillait pas dans les services communaux ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait commis, sur la période courant de juin 1990 à novembre 1997, une faute de nature à engager sa responsabilité, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale que la commune intimée oppose à la créance que Mme D...invoque sur cette période ;

En ce qui concerne la période courant à compter du mois de novembre 1997 :
Quant au fait générateur de la créance et à la prescription quadriennale :

15. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...)" ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : "La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée." ; et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : "La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement." ;

16. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que par arrêt n° 04MA01271 rendu le 3 juillet 2007, la Cour de céans a partiellement fait droit à la demande indemnitaire de M. D...en condamnant son employeur, la commune d'Ollioules, à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral, compte tenu, d'une part, de la faute pour la commune de l'avoir réintégré en novembre 1997 dans des conditions insalubres telles qu'elles ont été de nature à alimenter objectivement le sentiment d'exclusion ressenti par l'intéressé, d'autre part, du fait que cette faute a été à l'origine directe et certaine des troubles psychologiques développés par la suite par M. D...autour de ce sentiment, en l'absence de toute pathologie préexistante ; que contrairement à ce que soutient l'appelante, cet arrêt n° 04MA01271 ne présente aucune autorité de la chose jugée dans le présent litige, en l'absence d'identité des parties ;

17. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des écritures de Mme D...qui n'est pas sérieusement contestée sur ce point, ainsi que de l'avis de la commission de réforme du Var en date du 26 mai 2010 qui reconnaît l'imputabilité au service de la maladie nerveuse de M. D...ayant conduit à son congé de longue durée, que les conditions de réintégration de M. D...en novembre 1997 sont constitutives d'une faute de la commune à l'origine directe et certaine de la dépression qui a affecté ce dernier à compter du mois de mars 1998 et qui a provoqué un congé de maladie ordinaire à compter du 26 mars 1998, puis un congé de longue durée du 28 mai 1998 au 28 mai 2003, puis une mise à la retraite pour invalidité à compter du 28 mai 2003 ;

18. Considérant, en troisième lieu, que les préjudices par ricochet subis par Mme D..., tel qu'elle les expose devant le juge, consistent en un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence correspondant respectivement, d'une part, au préjudice d'affection né de la vue des souffrances morales de son mari, d'autre part, aux difficultés matérielles qu'elle a dû affronter dans la vie de tous les jours, compte-tenu de cette grave dépression nerveuse qui a justifié un congé de longue durée continu de 5 ans, soit la durée statutaire maximale, puis une mise à la retraite, et qui a donc diminué les revenus du couple ; que le fait générateur de la créance ainsi invoquée par Mme D...est né de la faute communale d'avoir réintégré M. D...en novembre 1997 dans des conditions telles qu'elles ont provoqué la dépression nerveuse de ce dernier, dont elle a subi par ricochet les conséquences ;

19. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que le fait générateur de la créance que Mme D...prétend détenir sur la commune étant la faute susmentionnée commise en 1997, la demande par laquelle une autre victime, M.D..., a recherché la responsabilité de la commune devant le tribunal administratif de Nice, par requête introduite le 22 novembre 2001, à raison du même fait générateur, a interrompu la prescription quadriennale en ce qui concerne MmeD..., sans que s'y oppose la circonstance que M. D...était son époux et qu'elle se place comme victime par ricochet ; que l'instance introduite le 22 novembre 2001 a abouti à l'arrêt de la Cour de céans n° 04MA01271 du l3 juillet 2007, reconnaissant la faute communale, devenu définitif ; que, par suite, la notification de cet arrêt a été de nature à faire courir à nouveau la prescription quadriennale de la créance détenue par MmeD..., nonobstant la circonstance que cet arrêt n° 04MA01271 ne présente aucune autorité de la chose jugée dans le présent litige, en l'absence d'identité des parties ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... ayant formulé sa première demande le 4 décembre 2009, la commune intimée n'est pas fondée à opposer la prescription quadriennale à la créance que Mme D...invoque sur la période courant à compter du mois de novembre 1997, dès lors qu'elle n'était pas acquise à cette date du 4 décembre 2009 ;
Quant au bien-fondé de la créance :

20. Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il a été dit, que les agissements susmentionnés commis par la commune d'Ollioules lors de la réintégration de M. D...en novembre 1997 sont fautifs et, par voie de conséquence, de nature à engager la responsabilité communale ;

21. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme D...doit être regardée comme ayant subi des souffrances morales par ricochet à la vue de la profonde déchéance nerveuse de son mari, placé longtemps en congé de longue durée, puis mis à la retraite pour invalidité ; que ces souffrances morales présentent un lien de causalité suffisamment direct et certain avec les agissements fautifs susmentionnés ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en réparant à hauteur de 5 000 euros le préjudice moral de Mme D... né de ce préjudice d'affection ;

22. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que du fait de son placement en congé de longue durée, lequel comporte une période de rémunération à demi-traitement, puis de sa mise à la retraite pour invalidité, M. D...a touché des revenus inférieurs à ceux qu'il aurait touchés s'il avait été maintenu en activité ; que cette baisse des revenus a eu nécessairement un impact sur le pouvoir d'achat du couple, dont Mme D...a subi les conséquences par ricochet ; que de tels troubles dans les conditions d'existence présentent un lien de causalité suffisamment direct et certain avec les agissements fautifs susmentionnés ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en les réparant à hauteur de 5 000 euros ;

23. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'appelante ne verse au dossier aucun élément de nature à établir que le décès de son époux survenu en 2009, des suites d'une affection cancéreuse distincte, serait en lien suffisamment direct et certain avec la faute commise par la commune en novembre 1997 à l'origine de la dépression nerveuse susmentionnée ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est fondée à demander à la Cour de condamner la commune d'Ollioules à lui verser à une indemnité totale de 10 000 euros ; que doit en revanche être rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions à fin de suppression des passages outrageants :

25. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : "Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : "Art. 41, alinéas 3 à 5. - Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. / Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux et, dans tous les cas, à l'action civile des tiers." " ;

26. Considérant que les passages de la réplique du 4 février 2011 commençant (page 1) par les termes "Au lieu de quoi" et finissant (page 2) par les termes "limite du pénal", ainsi que les passages de la même réplique commençant (page 3) par les termes "En conséquence" et finissant par les termes "confiance de ce Tribunal", ainsi que les passages de la même réplique commençant (page 9) par les termes "En reportant ces considérations" et finissant par les termes "contribution publique", présentent un caractère outrageant, injurieux ou diffamatoires au sens des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative précité et qu'il y a lieu, par suite, d'en prononcer la suppression ; que les passages du mémoire complémentaire enregistré au greffe de la Cour le 26 septembre 2013 commençant (page 13) par les termes "En fait, aux dires" et finissant par les termes "amenés à violer", ainsi que les passages du même mémoire commençant (page 13) par les termes "Et de fait" et finissant par les termes " intérêts personnel ou financier", ainsi que les passages du même mémoire commençant (page 14) par les termes "En conséquence de quoi" et finissant par les termes "fraude au jugement", ainsi que les passages du même mémoire commençant (page 21) par les termes "En reportant ces considérations" et finissant par les termes "dans l'intention de détourner la contribution publique", présentent aussi un caractère outrageant, injurieux ou diffamatoires au sens des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative précité et qu'il y a lieu, par suite, d'en prononcer aussi la suppression ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

28. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'appelante, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune intimée la somme que celle-ci demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune intimée la somme de 2 000 euros réclamée par l'appelante au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué susvisé du tribunal administratif de Toulon du 25 mars 2011 est annulé.
Article 2 : La commune d'Ollioules est condamnée à verser à Mme D...une indemnité de 10 000 euros (dix mille euros).

Article 3 : La commune d'Ollioules versera à Mme D...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme D...est rejeté.
Article 5 : Les passages susmentionnés dans le considérant n° 26 sont supprimés en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la commune d'Ollioules est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et à la commune d'Ollioules.

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Inscription: 14/12/2013

Merci beaucoup Marianne de votre réponse qui m'encourage à persister et à signer, enfin quelque chose de positif !

Un grand merci pour vos recherches.

Cependant,  Madame D.. est la veuve de Monsieur D.. et avait le statut d'ayant droit pour agir en justice et demander réparation

(elle n'a pas obtenu une somme énorme par rapport à ce qu'elle réclamait) au titre de victime par ricochet du harcèlement moral subi par son époux.

Dans mon cas,

1) je ne peux établir de lien direct entre la mort de mon compagnon et le harcèlement moral, en revanche son état dépressif s'était accentué, et il était en grande souffrance, moi aussi par la même occasion, j'ai vécu l'enfer pendant des années, donc il y a un grave préjudice.

2) j'étais sa compagne et non son ayant droit : faut-il être ayant droit pour intenter une action en justice contre l'employeur dans le but d'obtenir réparation en tant que victime par ricochet ? (voyez plus haut ce que me répondent le Juriste parisien et l'Administrateur)

Merci beaucoup de me donner votre avis sur ce point.

Je vous souhaite un bon week-end, à vous et à tous ceux qui m'ont répondu sur ce site.

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Inscription: 23/01/2011

Bonjour Archer,

 

Marianne et les autres intervenants sont probablement partis à la montagne en profitant des vacances d’hiver de leurs enfants chéris. Il m’appartient donc de vous éclairer sur vos questionnements résiduels.

 

1. A mon avis, même si vous n’avez pas la qualité d’ayant droit au sens du code civil, vous pouvez engager, en votre qualité de concubine de la victime, une action civile et/ou pénale contre l’Administration et/ou le harceleur afin de leur réclamer des dommages et intérêts correspondant au préjudice que vous avez subi personnellement, en tant que victime par ricochet.

 

S’agissant de l’action pénale, celle-ci pourra être engagée soit par voie d’intervention dans le cadre d’une plainte simple, soit par voie d’action dans le cadre d’une plainte avec constitution de partie civile ou d’une citation directe. En d’autres termes, vous pourrez continuer votre action pénale même si le procureur de la République ne donne pas suite à votre plainte ou s’il la classe sans suite.

 

En effet, aux termes de l’arrêt Dangereux du 27 février 1970, la Cour de cassation a fondé sa jurisprudence selon laquelle une concubine peut agir pour obtenir la réparation d’un dommage en sa qualité de victime par ricochet, dès lors que la relation de concubinage ne revêt pas un caractère délictueux (c’est-à-dire concubinage non adultère) (Cour de Cassation, Chambre mixte, 27 février 1970, 68-10.276).

 

Par la suite, cette jurisprudence a évolué dans un sens favorable au justiciable en reconnaissant le statut de victime par ricochet à une personne vivant en concubinage adultérin (Cour de Cassation, Chambre criminelle, 19 juin 1975, 74-92.363, arrêt Bérigaud) ou en concubinage homosexuel (TGI Belfort, 25 juillet 1995, JCP, 1996, II, 22724, note C. PAULIN).

 

Désormais, la preuve de l’existence d’une relation de concubinage avec la victime directe et celle de la stabilité de cette relation suffisent à rendre le dommage certain et donc indemnisable.

 

Cela dit, votre statut de victime par ricochet ne vous donne pas le droit d’agir au nom de la victime directe ni celui d’accéder à son dossier médical.

 

2. Un héritier qui aura obtenu le dossier médical pourra bien sûr intenter une action civile et/ou pénale tant en sa qualité d’ayant droit qu’en celle de victime ricochet pour demander des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi par la victime directe et pour son préjudice personnel s’il est en mesure de l’établir. Mais son action pénale, si elle est engagée en sa qualité d’ayant droit de la victime directe, pourra être engagée seulement par voie d’intervention dans le cadre d’une plainte simple et non par voie d’action dans le cadre d’une plainte avec constitution de partie civile ou d’une citation directe. En d’autres termes, il n’aura pas vraiment de recours si le procureur de la République ne donne pas suite à sa plainte ou s’il la classe sans suite.

 

En outre, l’action civile et/ou pénale d’un héritier, qu’elle soit engagée en qualité d’ayant droit ou de victime par ricochet, n’est pas incompatible avec la vôtre qui vise seulement la réparation de votre propre préjudice et non celle du préjudice de votre concubin décédé.

 

3. Le principe du droit à réparation en tant que victime par ricochet est donc aujourd’hui bien établi.

 

Ce qui peut poser problème dans votre affaire, c’est que vous ne pouvez pas établir de lien de cause à effet entre le harcèlement moral et la mort de votre concubin.

 

Pourquoi ?

 

Deux raisons essentiellement :

 

D’une part, il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de trouver en jurisprudence un cas identique au vôtre, car ce que l’on trouve, c’est exclusivement des affaires où la victime par ricochet est indemnisée du fait de la mort de leur proche (ce qui suppose l’existence d’un lien de cause à effet) ;

 

D’autre part, il est difficile d’évaluer le préjudice de la victime par ricochet dont le décès n’est pas lié à l’infraction incriminée.

En effet, dans un tel cas, il n’y a pas de préjudice économique et seul le préjudice moral peut être invoqué. Il s’agit en fait de l’indemnisation de la douleur que suscite chez les proches de la victime directe la perte d’un être cher ou encore la vue des souffrances qu’elle endure.

Mais ce préjudice moral est souvent sous-évalué par la justice car mal appréhendé. Cette sous-évaluation est flagrante lorsque l’on examine les montants figurant dans le barème indicatif d’indemnisation reproduit par notre ami Comptabilissimo, montants d’autant plus dérisoires qu’ils'agit du préjudice moral subi du fait de la mort de leur être cher.

 

4. Les questions qui, à mes yeux, méritent d’être posées sont donc les suivantes :

 

- Combien vous pouvez raisonnement espérer d’une action civile et/ou pénale contre l’Administration et/ou le harceleur ?

 

- Comme il n’est pas du tout insensé de penser que le montant des dommages et intérêts susceptible d’être obtenu en justice peut être relativement faible du fait de l’absence de lien de cause à effet entre le harcèlement moral et la mort de votre concubin, l’enjeu en vaut-il vraiment la chandelle, sachant qu’il faudra tenir compte des honoraires d’avocat qui seront loin d’être négligeables ?

 

En espérant vous avoir aidé à y voir un peu plus clair,

 

Bon courage ! ! !

 

Bien cordialement

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Inscription: 14/12/2013

bonsoir Administrateur,

Merci de m'avoir répondu.

Vous avez certainement compris que ce n'est pas pour obtenir de l'argent que je tiens à poursuivre l'employeur de mon compagnon.

Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi il faut absolument que le décès soit lié au harcèlement. Cela ne suffit-il pas d'avoir fait souffrir un innocent sans défense pendant des années ? Personne ne l'a défendu, même pas son syndicat, surtout occupé par des actions collectives ayant un retentissement médiatique, ni la médecine préventive qui n'a pas joué son rôle.

L'employeur est directement responsable de l'aggravation de sa grave dépression, de ses problèmes de santé aussi et je me tairais ?

Peu importe ce que cela coûtera, je veux que tout le monde sache ce qui se passe dans un certain endroit au vu et au su de tout le monde.

On lui a fait du mal, on l'a fait douter de lui, on lui a empoisonné sa vie et la mienne, je priais tous les soirs pour mourir dans la nuit tellement je souffrais moi aussi. Le médecin traitant l'a vu sombrer jour après jour et n'était pas tellement étonné que cela finisse ainsi. 

Ce que je voudrais, c'est pouvoir nommer les harceleurs et obtenir des sanctions à leur encontre : c'est cela, pour moi, obtenir réparation. Je vais être seule dans ce combat, car je ne peux pas compter sur les héritiers.

J'espère trouver un avocat compétent et intègre qui me dira clairement s'il pense réussir ou non.

Je vous remercie de vos conseils et de vos encouragements.

Bonne journée et bon week-end !

Très cordialement

offline
Inscription: 14/12/2013

Bonjour Administrateur,

J'ai pensé à autre chose : puisque je risque d'engager des sommes importantes dans un procès qui risque de durer des années pour finalement me laisser un sentiment d'inachevé, d'échec, qu'est-ce que je risque à signaler à sa hiérarchie le comportement  infect et inhumain de toutes ces personnes malfaisantes, en les nommant et en citant ses propres écrits ? Ce n'est pas de la diffamation puisque je ne fais que donner la parole à quelqu'un qui en a parlé autour de lui, à commencer par moi !

Ces harceleurs sont connus pour leur méchanceté, si seulement je pouvais trouver quelqu'un pour appuyer mes dires, ce serait mieux qu'une procédure...

Que me conseillez-vous ? Je ne crains rien de ces gens, ils n'ont pas de prise sur moi, puisque je ne suis pas fonctionnaire et ils ne peuvent pas me faire plus de mal que ce que j'ai déjà subi. 

Si je compte uniquement sur une procédure en bonne et due forme, je vais droit dans le mur, car je n'obtiendrai pas d'excuses, pas de sanctions, et une somme ridicule, alors que je rêve de venger son honneur !

Merci pour l'intérêt que vous m'accordez.

Très cordialement

 

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Inscription: 23/01/2011

Bonjour Archer,

 

C'est une piste intéressante. Il n'y a pas de risque de diffamation, mais il y a un risque de dénonciation calomnieuse, délit prévu aux articles 226-10 et 226-11 du Code pénal, qui disposent que :

 

Article 226-10 du Code pénal:

 

La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.

En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci.

 

Article 226-11 du Code pénal:
 

Lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites pénales, il ne peut être statué sur les poursuites exercées contre l'auteur de la dénonciation qu'après la décision mettant définitivement fin à la procédure concernant le fait dénoncé.

 

Cela dit, au cas d'espèce, ce risque est très faible dans la mesure où ce que vous dénoncerez n'est pas faux.

 

Bien cordialement.

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